presentation du bateau WHISPER OF MICHAELLA dans Global Solo Challenge
Pierre-Henry Mahul, 64 ans, skipper français inscrit au Global Solo Challenge, a déjà parcouru une centaine de milliers de milles en mer depuis 1973 et a été propriétaire de vingt-cinq bateaux. Personnage éclectique, avec un esprit d’aventure, ses yeux verts scrutent la mer à la recherche d’un nouvel horizon. Au port, trois femmes importantes dans sa vie le soutiennent et l’accompagnent avec amour dans sa prochaine aventure.
« Même si j’ai déjà navigué sur les deux tiers du parcours du Global Solo Challenge il y a deux ans, je sais qu’il y a toujours un risque que je n’arrive pas à terminer ce Challenge. Aussi j’ai préparé ce défi en mon âme et conscience, avec mon esprit comme avec mes bras, en confiance. J’aime l’idée de repousser mes propres limites. »
Le tour du monde en solitaire par les trois caps a toujours fasciné Pierre-Henry. En novembre 2020, il prépare son Hallberg- Rassy 53 et quitte Bandol, près de Toulon, avec ce projet en tête qu’il a baptisé Bandol Globe. Son bateau est lourd, il pèse 25 tonnes. Il a installé un régulateur d’allure de la société canadienne CapHorn. En raison d’un problème de pilote, Mahul s’arrêtera un mois à Cadix. Pendant ce temps les conditions météorologiques évoluent et il va découvrir grâce à son routeur, qu’arriver au Cap Horn en avril peut être très difficile : « à cette saison il y a des risques de coup de vent de 70 nœuds et je n’ai jamais navigué avec plus de 62 nœuds ce qui est déjà beaucoup. Aussi arrivé au large du Brésil à la recherche du vent, j’ai décidé de remettre le projet des trois caps à plus tard en mettant cap au sud pour doubler le mythique cap Horn, d’est en ouest, puis de rentrer en Europe. »
Son passage est validé par l’International Association of Cape Horners (IACH). C’est une expérience qui le marquera. Il n’est plus tout à fait la même personne mais son désir de faire un nouveau tour par les trois caps reste intact. Après 124 jours passés en mer, en mars 2021, il rentre à Cadix où son ami César lui parle du GSC. Voilà sa deuxième opportunité, il s’inscrit aussitôt.
Le Hallberg-Rassy 53, un bateau solide et fiable, n’est plus exactement adapté à son projet : « J’ai vu les limites de mon bateau qui ne pouvait pas planer. Dans les allures portantes sa vitesse maximale était de 14 nœuds. Je voulais un bateau capable de surfer sur les vagues. C’est avant tout une question de sécurité. Si une vague qui marche à 25 nœuds te rattrape avec près de 15 nœuds d’écart de vitesse avec ton bateau, elle risque de le retourner. Si ton bateau plane à la vitesse de la vague, ce risque diminue. »
Pendant trente ans, PHM a navigué sur des trimarans et des catamarans. Outre la vitesse, il a apprécié la visibilité qu’offrent ces bateaux depuis l’intérieur. Au large il passe beaucoup de temps dedans, pour la navigation, la communication, la cuisine et le repos. Il recherche donc un monocoque qui réponde à son besoin de vision sur l’extérieur.
Ce sera Whisper-Michaella / Detach with Love pour le GSC. C’est un Hamble 50, Sloop de 15 mètres dessiné par Stephen Jones, un architecte naval anglais renommé pour ses nombreux bateaux performants et pour avoir contribué au Challenge de la Coupe de l’America. C’est un bateau construit sur mesure, le dernier bateau construit entre 1996 et 1998 par le chantier naval Hamble Yacht Service de Southampton. Son propriétaire initial souhaitait faire construire un bateau performant pour naviguer en solitaire et remporter des régates par petit temps dans le sud de l’Angleterre.
Mais lors du choix du mât ce propriétaire avait insisté pour équiper le bateau d’un mât Reckmann de grande qualité mais surdimensionné donc trop lourd par rapport au projet initial de l’architecte et cela affectait l’équilibre du bateau.
En 2021, PHM achète le bateau à son deuxième propriétaire qui l’avait acquis en 2002 : « J’ai tout de suite remarqué quelque chose de perfectible, le bateau gîtait beaucoup par petit temps et je devais très rapidement prendre le premier ris. J’ai appelé l’architecte qui a fort aimablement accepté de retrouver l’historique du bateau. Il a repris ses plans et ses calculs et compte tenu du poids du mât, il m’a conseillé de rajouter une tonne et demie de plomb dans la quille, ce que j’ai réalisé pour ma plus grande satisfaction. »
La coque est construite en bois, en western red cedar (cèdre rouge de l’ouest) selon la technique du « strip planking ». C’est une méthode qui permet développer de belles formes. La coque est constituée de lattes de bois, le bordé. Ce bordé est ensuite recouvert de deux couches extérieures et d’une couche intérieure de fibre de verre imprégnée de résine époxy.
Le résultat est très beau. Un autre avantage est que la coque devient très rigide et résistante tout en restant très légère permettant ainsi au bateau de se comporter très bien par petit temps.
Après l’achat de son nouveau bateau au nord de l’Angleterre, Mahul le transfère à Cadix, où grâce à ses amis MacPherson, il se retrouve comme chez lui. Il va le remettre en parfait état en misant sur la fiabilité, qualité primordiale pour terminer le GSC.
« Le bateau a vingt-trois ans, il fallait une révision totale en chantier. Nous avons remplacé toutes les pièces qui auraient pu poser des problèmes en mer. » Ainsi dans ces derniers mois, le mât et la bôme en aluminium ont été démontés et révisés, le gréement en rod nitronic 50 a été entièrement remplacé et de nouvelles voiles sont en cours de fabrication. La peinture du pont et de la coque a été refaite. Les panneaux de pont sont neufs. Le gouvernail et le système de barre ont été révisés.
En ce qui concerne l’énergie à bord, Pierre-Henry pense que « La meilleure façon de gérer l’énergie est de l’économiser. » Pour cela il a installé en plus des pilotes électriques Raymarine et B&G un régulateur d’allure Hydrovane qui a donné immédiatement satisfaction. Il dispose d’un hydrogénérateur Watt & Sea, de panneaux solaires et de l’alternateur du moteur. « Je n’ai pas de groupe électrogène et je n’en veux pas, car ce serait trop lourd. J’ai remplacé l’éclairage intérieur par des LED et les batteries sont neuves et au lithium, efficaces et sûres. » Il a conservé le confort du chauffage, un Webasto diesel, qui était déjà installé d’origine.
Le tableau électrique et les installations ont été entièrement revus. Pour la communication et la navigation, Mahul a installé un Iridium GO un AIS et un radar.
La partie mécanique n’a pas de secrets pour Pierre-Henry. « Je suis un marchand de voitures de collection. Il y a
toujours quelque chose à faire sur les voitures, qui est une autre de mes passions. Pour cela je suis aidé par Bhaa, mon jeune et talentueux mécanicien Jordanien qui est également un marin. Depuis août dernier nous avons passé trois mois ensemble à Cadix à travailler sur le bateau. Nous formons une bonne équipe soutenue par le chantier naval de Cadix qui a effectué les travaux les plus importants avec beaucoup d’attention, compte tenu de mon important projet de circumnavigation. »
Pour la cuisine, il dispose de tout le nécessaire pour de longs mois en mer, sans se priver de petits plaisirs. « J’ai un four et tous les deux ou trois jours je préparerai du pain frais. C’est la base de mon alimentation, avec des olives, de la viande séchée et des légumes secs. Faire son pain présente un double avantage : je réchauffe le bateau et le parfum du pain frais fait plaisir. » Pour ses besoins en eau douce Il a installé un déssalinisateur puissant 150l/h mais simple et économique produit à la Ciotat par la société Jovial Marine.
Avec Whisper Michaella, Mahul a trouvé le bateau qui lui permettra d’accomplir le Global Solo Challenge.
Les prémices sont excellentes : dans toutes les améliorations apportées, il y a eu une recherche de simplicité et de confort pour pallier aux difficultés des nombreux mois de navigation en solitaire. « J’ai équipé le bateau d’un taud bimini qui me permettra de fermer complètement le cockpit. J’ai déjà doublé le Cap Horn il y a deux ans et je ne mettais le ciré que la nuit, pour me protéger de l’humidité et être prêt pour les urgences. Le cockpit fermé est un grand avantage en matière de sûreté. »
Le deuxième point fort de sa monture est la sécurité. L’équipement du bateau était déjà adapté à la navigation en solitaire. Les winches sont à l’intérieur du cockpit et les drisses et écoutes sont aussi toutes renvoyées dans le cockpit. La capacité à planer sur les vagues est l’autre facteur important que le skipper français recherchait dans son bateau idéal : « Detach with Love bien qu’il soit rapide, il n’est pas un bateau de course et un Class40 ira toujours plus vite. »
Pour le routage, Mahul compte sur le pape français de la météo, son ami Pierre Lasnier, créateur de Météomer et routeur des plus grands navigateurs dans ces dernières décennies. C’est Pierre qui l’a routé dans son aventure au Cap Horn. À 74 ans, Pierre Lasnier n’a pas perdu sa passion pour la météorologie. Devant ses quatre écrans à Saint-Raphaël, il continue à mettre les meilleurs skippers sur la route idéale.
Les quatre derniers bateaux de Pierre-Henry s’appellent « Michaella », le prénom de sa maman. « En 2017, j’avais un petit trimaran de 9.80 mètres, un plan Gilles Montaubin, un joli bateau très léger et rapide qui pesait deux tonnes et demi. J’étais parti avec lui pour faire le tour du monde en solitaire par étapes et, après la traversée de l’Atlantique, j’avais laissé le bateau à terre aux Antilles. Cette année-là, l’ouragan Irma a frappé les Iles Vierges et mon trimaran a fait un vol de 100 mètres jusqu’au milieu du port, il aurait peut-être survécu si un catamaran bien plus lourd ne s’était écrasé dessus. Pour un marin perdre son bateau est difficile et traumatisant. Ma mère qui a maintenant 90 ans m’a toujours soutenu aussi j’ai appelé mes bateaux de son prénom en reconnaissance de son soutien et de sa confiance. Elle reste ma première fan, elle est fière de moi et heureuse que je participe à la GSC. Isabelle ma compagne est également d’un grand soutien et a parfaitement compris mon besoin de repousser mes limites en participant à ce grand Challenge. »
Pour son GSC, PHM a décidé d’appeler le bateau du nom de son sponsor, qui est lié à l’autre grand amour de sa vie, sa fille Marie-Charlotte. Installée aux États-Unis depuis quelques années, Marie-Charlotte a fondé une plateforme appelée Detach With Love qui rappelle la philosophie vertueuse du GSC qui est de redonner une nouvelle vie à des anciens bateaux. Marco Nannini, créateur et directeur de la course, avait déclaré lors du lancement qu’il espérait que personne ne construirait de bateaux spécialement pour cet événement car il souhaitait encourager la réparation et la restauration de bateaux existants. Detach With Love s’inscrit totalement dans cette philosophie de donner une seconde vie à des objets de luxe des plus grandes maisons.
Ecoutons sa fondatrice Marie-Charlotte raconter : « Je suis heureuse d’accompagner virtuellement mon père dans ce grand projet qui est également en phase avec ma propre philosophie de vie et de travail. En effet, sur ma plateforme
beaux objets à d’autres et de leur donner une seconde vie. De nos jours, il est vraiment important d’être conscient de
ce que nous achetons et de l’impact sur l’environnement. L’achat en seconde main de pièces de luxe de grande qualité permet de réduire l’empreinte carbone et de préserver les ressources environnementales. Je crois en la philosophie du « Less is More » (Moins, c’est mieux). Ma garde-robe est minimaliste. Il n’y a que des choses essentielles et celles que quelque chose de bénéfique pour notre planète. »
Pierre-Henry navigue depuis cinquante ans et a aimé tous ses bateaux : « Whisper Michaella est mon vingt-cinquième bateau. Je me suis attaché à chacun et si je les ai vendus, ce n’était pas parce que je ne les aimais plus, mais parce qu’ils n’étaient plus adaptés à mon nouveau programme. Car avant tout c’est la mer qui me passionne. Je reste toujours émerveillé par son monde de beauté : les vagues, le vent, les nuages, le soleil, la lumière, les étoiles… La force de ses éléments m’a transporté et m’a élevé à des émotions incomparables. J’aime me retrouver seul en mer dans la main de Dieu et avec son aide j’espère réussir ce Challenge.»